mercredi 10 avril 2013

Bonjour,

Par ce post, j'attire l'attention que les pervers ne sont pas uniquement des personnes contemporaines, nous avons eu dans le cours de l'histoire des personnages, très marqués, par la perversion notamment  Joseph Staline. Je cite un document de Paul Fuks de l'Express publié le 05/03/2013

"Joseph Staline n'était pas paranoïaque, mais pervers narcissique"

Soixante ans après sa mort, le "petit père des peuples" est encore souvent décrit comme un paranoïaque. Mais Paul Fuks, médecin et psychanalyste, juge qu'il "n'avait pas l'excuse du délire", car il était bien conscient de ses actes. Analyse.
"Le paranoïaque est intimement persuadé de la réalité de ses persécutions, alors que de sources multiples, on sait que Staline n'était pas dupe de ses accusations - ce qui suffirait à récuser la paranoïa", explique Paul Fuks.
AFP
"L'homme le plus aimé des prolétaires du monde entier", Staline, est mort le 5 mars 1953. Après soixante années, notre douleur étant quelque peu surmontée et les connaissances en psychopathologie s'étant développées, le diagnostic de paranoïa qui lui est habituellement attribué peut être reconsidéré.
Ce diagnostic n'est donc nullement une erreur et il était longtemps tout à fait fondé, car pour la psychiatrie des années trente, paranoïa et perversion narcissique étaient confondues. Depuis les travaux de Paul-Claude Racamier (1986) elles sont désormais différenciées. Staline fut bien atteint de perversion narcissique*, tous les propos et comportements rapportés par les proches et les historiens le démontrent.
La délectation sadique d'un pervers sûr de son impunité
C'est la multitude des complots invraisemblables dont il se disait visé qui a convaincu de la paranoïa. Or le paranoïaque est intimement persuadé de la réalité de ses persécutions, alors que de sources multiples, on sait que Staline n'était pas dupe de ses accusations -ce qui suffirait à récuser la paranoïa. Mais le fait qui certifie la perversion narcissique, est une confidence consternante, souvent citée sans que sa signification psychopathologique soit relevée.

L'historien réputé Simon Sebag Montefiore, auteur d'une imposante biographie du cher homme, la relate ainsi: "Lors d'un dîner arrosé, Kamenev demanda à chacun autour de la table de dire quel était son voeu le plus cher dans la vie. Certains dirent les femmes, d'autres répondirent sincèrement que c'était les progrès du matérialisme dialectique vers le paradis prolétarien. Puis vient le tour de Staline: 'Mon plaisir le plus grand est de choisir une victime, de préparer des plans minutieusement, d'assouvir une vengeance implacable et ensuite d'aller me coucher. Il n'est rien de plus doux au monde.'"
Non, ici s'étale avec impudeur la délectation sadique d'un pervers sûr de son impunité. La perversion se lit dans l'inversion du caractère sexuel de la séquence décrite: choisir une victime = choix du partenaire, préparer minutieusement des plans = séduction patiente et longs préliminaires, assouvir une vengeance implacable = conclusion et orgasme, ensuite aller me coucher = sommeil post coïtal.
L'inversion est la définition même de la perversion par laquelle, ici, la jouissance est procurée par la mise à mort du partenaire de la dimension sexuelle sous-jacente au propos. La délectation sadique d'un pervers sûr de son impunité s'étale sans pudeur.
La paranoïa rassure et fait moins peur que la perversion et son mystère
Cette sincérité, surprenante chez cet homme si retenu, met à jour ce secret non-secret, ce caché-exhibé - impensable chez un paranoïaque - par lequel le pervers se plait à étaler au grand jour ce qu'il trame en secret et dont il jouit d'autant plus.
Quant à la "paranoïa galopante" qui aurait accompagné le net déclin de Staline après-guerre, elle ne correspond pas non plus aux descriptions des témoins. Extrême irritabilité, vertiges, trous de mémoire et syncopes à répétitions, radotage de sempiternelles mêmes histoires, éclats de rire à des sottises et à des plaisanteries futiles, goinfrerie aggravée, brusques éruptions de colère vis-à-vis d'individus fusillés depuis longtemps ou prises de décisions insensées, tout ceci évoque une sénilité manifeste et un syndrome démentiel progressif, d'évolution en paliers, avec déficit mnésique, labilité émotionnelle, irritabilité et apathie.
Ces signes ne devaient rien à la psychiatrie car l'autopsie a formellement confirmé la démence en objectivant une altération du tissu cérébral, de l'athérosclérose et surtout des cavités et des kystes dans les lobes frontaux, causés par de petites hémorragies cérébrales à répétition, qui expliquent les malaises à répétition des dernières années (plus l'"important foyer d'hémorragie, situé dans la région des centres sous-corticaux de l'hémisphère gauche", cause directe de l'hémiplégie finale). Donc, en langage de "docteur", ça donne: démence vasculaire par infarctus multiples.
La paranoïa, enfin, en tant que psychose chronique, n'évolue pas vers la détérioration intellectuelle, ce qui était précisément le cas de notre patient. Quant à la démesure aggravée de son obsession des complots, qualifiée de délirante, elle était l'expression de sa vieille méfiance perverse, exacerbée par la perception angoissée du déficit croissant des fonctions intellectuelles.
En tant que folie facilement repérable, la paranoïa rassure et fait moins peur que la perversion et son mystère, il est néanmoins préférable qu'un diagnostic soit juste.
Non, la monstruosité de Staline n'eut pas l'excuse du délire.
Par Paul Fuks,médecin et psychanalyste - http://www.paulfuks.info/

* Attention à ne pas confondre pervers narcissique et pervers sexuels. Ces dernières n'ont pas concerné Staline. Hétérosexuel, alliant virilité et pruderie, machiste à la mode géorgienne et appréciant la compagnie des femmes, il a passé sa vie politique dans un milieu exclusivement masculin.

 

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